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07 octobre 2021

Eric Barthélémy (ECL 1999) Co-fondateur de ViaXoft - société éditrice de logiciels pour les acteurs du tourisme

Eric Barthélémy (ECL 1999) est un homme de défis. Comme celui de lancer sa société ViaXoft, éditrice de logiciels pour les acteurs du tourisme, en pleine crise financière de 2008 ! 13 ans plus tard, il nous raconte son parcours d’entrepreneur, la place qu’il accorde à l’innovation et à l’esprit d’initiative chez ses équipes, et comment son activité a su s’adapter à la crise de la Covid-19.


Bonjour Eric. Comment est née l’idée de créer votre société et d’où vient son nom ViaXoft ?

Nous avons créé l’entreprise en 2008. À l’époque, les ERP destinés aux agences de voyages et aux tours opérateurs étaient vieillissants et très peu ouverts. Partant de ce constat, nous nous sommes jetés à l’eau. Il fallait trouver un nom à la société. Nous nous lancions dans le métier du voyage, pour y faire du logiciel. Voyage vient du latin « viaticum », nous avons donc gardé « via » pour le chemin et « soft » pour « software » en anglais. Viasoft étant déjà pris, nous avons remplacé le « s » par un « x ». Bon ok, le x ajoute de la complexité à la prononciation mais dès qu’on l’a en tête, on le retient !

 

Quelles sont les activités de ViaXoft et en quoi se démarquent-elles de ses concurrents ?

Nous éditons une plateforme ERP en mode SAAS. À ce titre nous équipons aussi bien l’agence de voyage de quartier avec deux postes, que de gros réseaux d’agences, en passant par des tours opérateurs ou des TMC (agences spécialisées dans le Business Travel).

Ce qui nous différencie de nos concurrents est l’accompagnement que l’on propose à nos clients quelle que soit leur taille. Bien entendu, dans le cadre de projets de taille plus conséquente, nous mettons en place une organisation en adéquation. Malgré la crise sanitaire actuelle, nous avons signé deux projets importants : le premier est la mise en place de notre offre au sein d’un réseau de 200 agences en métropole et l’autre est l'implémentation d’un acteur multi-métier (TO, agence, réceptif) basé dans les DOM/TOM.

 

Quel était au départ, le moteur principal de cette aventure et quels objectifs vous fixiez-vous à l’époque ?

Le marché du voyage étant un marché de niche, les gros acteurs de l’ERP ne s’y intéressaient pas. Nous nous sommes dès lors donné pour mission de permettre à nos clients agences de voyage et tours opérateur de concurrencer les géants du marché en mettant à leur disposition une offre logicielle complète. Nous partions d’une feuille blanche. Aussi notre objectif était-il dans un premier temps de développer au plus vite la plateforme. Le monde de la tech a beaucoup évolué depuis, mais en 2008 se lancer dans la réalisation d’un ERP était périlleux. Je ne veux pas dire que ça l’est moins aujourd’hui, mais les technos actuelles apportent davantage de valeur ajoutée.

 

Ces derniers (moteur et ambitions) ont-ils évolué avec le temps et quels sont-ils 13 ans plus tard ?

Je dirais que notre ADN reste le même : nous sommes des entrepreneurs dans l’âme et à ce titre nous continuons à investir pour apporter toujours plus de valeur et d’innovation à nos clients.

Nos ambitions ont quant à elles évolué. Leader sur le marché français, nous souhaitons aujourd’hui nous tourner vers de nouveaux marchés européens. Nous sommes présents en Suisse et souhaitons développer les marchés belge et espagnol.

 

Dans la présentation de votre société, vous insistez sur la dimension humaine de Viaxoft et la place laissée à l’innovation et à l’épanouissement personnel. Comment cette liberté se concrétise-t-elle en termes d’organisation de travail par exemple ?

À la création de la société, mes associés et moi maîtrisions les méthodes de gestion de projets traditionnelles. Mais lorsque vous vous lancez dans la création d’une start-up vous ne pouvez pas perdre 6 à 9 mois dans la rédaction de spécifications fonctionnelles sans vous confronter au marché. C’est à ce moment-là que nous sommes tombés sur l’agilité et en particulier Scrum. On en entend énormément parler aujourd’hui, je dirais même que c’est devenu la norme, mais en 2008 peu d’entreprises mettaient en place de tels frameworks en France.

Nous l’avons mis en place au niveau de notre équipe de développement, et comme les valeurs liées à l'agilité nous plaisaient beaucoup (humain, responsabilisation, autogestion, …), nous en avons fait notre culture d’entreprise. Nous avons un organigramme très horizontal composé d’équipes qui s'autogèrent. Des rituels rythment la vie de l'entreprise pour assurer la synchronisation des équipes (rétrospectives, revues, petits-déjeuners, …).

 

En parlant d’innovation, vous êtes également administrateur chez Marseille Innovation, un accélérateur de start-up en région PACA. Quel est votre rôle et pourquoi cet engagement ?

Nous avons créé la société au sein de Marseille Innovation et nous y sommes restés 4 ans. Je crois beaucoup à ce temps long : pour créer une start-up mature il faut entre 7 et 10 ans. MI l’a compris depuis longtemps. Suite à cette période de 4 ans, la Directrice Générale de MI, Laurence Olivier, a eu l’idée d’intégrer au board des entrepreneurs passés par la structure. Cela nous permet de partager notre expérience avec les créateurs de start-up et de participer à la stratégie et au développement de MI.

Vous avez (au doigt mouillé) la quarantaine. Quel regard portez-vous sur la nouvelle génération d’entrepreneurs ? Quelles différences majeures avec le créateur de start-up que vous étiez à leur âge ?

Vous avez oublié la TVA (rire) ! Je vais en effet avoir 46 ans. Je dirais que la première différence est l’âge à laquelle on crée sa société : ma génération lançait sa start-up après la trentaine. Aujourd’hui, leurs créateurs ont entre 20 et 25 ans, certains le font alors qu’ils sont encore à l’école ! Je trouve ça super ! Cela veut dire que les mentalités ont évolué et qu’être entrepreneur aujourd’hui en France, est mieux perçu qu’à mon époque.

La nouvelle génération d’entrepreneurs ose beaucoup plus que la mienne. Ils n’ont peur de rien. Comparativement, nous étions plus respectueux des choses existantes, sans doute même un peu trop. Le seul risque de cette capacité à entreprendre très tôt, est de vouloir aller trop vite, en grillant parfois des étapes et de croire que l’on est arrivé alors que le plus dur reste parfois à faire.

Lorsqu’on crée sa start-up, il n’y a qu’un seul mot d’ordre : travail ! Et comme disait Jacques Chirac : “Les merdes, ça vole toujours en escadrille”.

 

ViaXoft travaille avec les acteurs du tourisme, secteur impacté par la crise sanitaire depuis plus d’un an. Comment un chef d’entreprise a-t-il réagi au départ face aux remous qui s’annonçaient dans le secteur ?

Les premiers jours/semaines furent chaotiques : nos clients ont eu à gérer dans l’urgence énormément d’annulations et de reports. Puis les mesures gouvernementales se sont mises en place. En tant qu’éditeur de logiciel, nous n’étions pas considérés comme directement impactés, au contraire de nos clients. Nous avons dû prendre les mesures nécessaires pour assurer la pérennité de la société : réduction des charges, PGE, chômage partiel tout en assurant une continuité de service pour nos clients.

La plus grande difficulté fut d’annoncer très tôt à nos équipes (avant le discours du Président), que nous passions en télétravail pour une longue durée. Je pense que beaucoup ont pris conscience à ce moment-là de l’importance de la crise.


Comment l’entreprise et ses services se sont-ils adaptés aux besoins de ses clients ?

La première adaptation a été d’assurer la continuité de service tout en étant confinés. Une partie de nos équipes faisait déjà du télétravail en cas de besoin, ce qui a grandement facilité la tâche.

Puis nous avons développé des services qui permettent à nos clients de réaliser toutes les tâches contractuelles à distance avec leurs partenaires : signature électronique du contrat à distance, paiement, …

 

Revenons à la notion d’innovation. On a parlé d’un monde d’après Covid. Quelles sont les innovations qui, selon vous, pourraient voir le jour dans les prochaines années dans le secteur du tourisme ?

Je pense que la COVID a été un formidable accélérateur pour tout ce qui est sans contact et opération à distance, que ce soit dans les agences, les hôtels, les aéroports… Cela va logiquement s’amplifier. À plus long terme, on sent une vraie tendance vers des transports plus efficaces et vertueux grâce notamment aux moteurs électriques ou à hydrogène qui permettront de limiter l’impact environnemental du tourisme mondial.

 

Depuis 2008 et la création de ViaXoft, avez-vous connu des moments de doutes ?

Vaste sujet ! Nous nous lançons en 2008 au moment de la crise financière. On se pose toujours la question si c'est le bon moment, mais il faut se confronter à son marché pour le savoir. Douter fait partie du quotidien de l’entrepreneur. C’est un mécanisme presque salutaire, car il oblige à se remettre en question, sans bien sûr, nous empêcher d’agir.

 

À l’inverse, avec du recul, quelle fut la meilleure décision que vous ayez prise ?

Ma meilleure décision a été de me remettre en question personnellement, de me dire que je devais évoluer et ne pas rester sur mes acquis. C’est un peu ce que les profs disaient à mon époque à la sortie de l’ECL : “vous ne savez rien, mais vous êtes formés pour apprendre”. C’était vrai mais surtout sur le plan technique, moins sur les softs skills.

 

En qualité de cofondateur de ViaXoft, comment prenez-vous les décisions importantes ?

Nous sommes trois cofondateurs : lors des décisions importantes nous nous concertons bien entendu, mais il y a aussi une place laissée à notre intuition. C’est sans doute ce qui différencie un entrepreneur d’un manager : le premier va sentir les choses et prendre sa décision même s’il ne maîtrise que 70% du problème.

 

Y a t-il des profils ingénieurs dans votre société ? Pour quels types de postes ?

Nous avons bien entendu des ingénieurs au sein de notre société sur des postes techniques liés aux systèmes ou aux développements mais également en tant que chefs de projets ou product owners.

 

Êtes-vous attentif à d'autres critères que la seule compétence technique lors de l'embauche de vos collaborateurs ?

Je dirais qu’à la création de la société, nous embauchions à 80% sur des critères techniques. Aujourd’hui cela s’est inversé puisque les critères techniques ne représentent que 40% de nos préoccupations. Nous attachons aujourd'hui beaucoup plus d’importance aux softs skills car dans une culture d’entreprise comme la nôtre il est primordial d'embaucher des profils qui vont s’y épanouir et se révéler.

 

Dernière question : Quels conseils donneriez-vous à des Centraliens qui souhaitent créer leur entreprise ?

Le premier conseil serait de se lancer. Avec le recul, lorsqu’on sort de l’École on n’a bien sûr pas d’expérience, mais également très peu de contraintes familiales. Une première expérience dans une start-up peut être intéressante pour comprendre l’état d’esprit et l’incertitude qui y règnent.

Le deuxième conseil serait… de ne pas écouter les conseils. L’entourage trouve toujours 1000 raisons, parfois valables, de ne pas se lancer.

Mais c’est comme dans le sport : tu peux courir un marathon en 2h30 ou en 5h, mais quoi qu’il arrive tu le courras toujours beaucoup plus vite que l’immense majorité qui reste sur son canapé. Et celui qui est sur son canapé, ne peut pas comprendre pourquoi tu t’infliges la souffrance de courir ton marathon en 5h…

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