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03 juillet 2025

Slow travel : de Lyon à Pékin sans prendre l'avion - le pari bas carbone de Paul Bouget (22)

Durant son année de césure, Paul Bouget (22) a relevé un défi à la fois personnel et écologique : relier Centrale Lyon à Centrale Pékin en train, car et auto-stop.  Au fil de quatre mois de voyage à travers l’Europe et l’Asie, il a opté pour des modes de transport bas carbone, privilégié l’imprévu, rencontré des inconnus… et tiré de cette aventure des enseignements profonds sur notre rapport au voyage. Témoignage d’un Centralien en quête de sens. 


Technica : Bonjour Paul. Comment est née l’idée de rejoindre Pékin en minimisant votre empreinte carbone ?

Initialement, je voulais simplement voyager pendant ma césure. J’ai donc condensé mes deux stages sur les 12 premiers mois, afin de dégager quatre mois entiers pour partir. Rapidement, l’idée d’un voyage lent, bas carbone, s’est imposée. Je voulais avoir du temps pour moi, pour faire un point après ma césure et profiter pleinement de l’expérience que j’allais vivre.

J’ai d’abord envisagé un tour d’Europe en train avec un pass Interrail, mais c’était plus cher. Je n’aurais certainement pas pu voyager 4 mois sans interruption. Je craignais également que ce soit trop long, pas assez diversifié, probablement à tort.  J’ai donc commencé à envisager l’idée de pousser mon voyage au-delà des frontières de l’Europe, moi qui n’avais jamais quitté le continent auparavant. À peu près au même moment, un très bon ami effectuait un échange au Vietnam. De mon côté, j'entamais des discussions avec Centrale Lyon et Centrale Pékin en vue d’un potentiel échange. Tous les signaux semblaient réunis pour pousser mon voyage bas carbone jusqu’en Asie, avec l’idée de passer par Centrale Pékin, sorte de clin d’œil à la suite de ma formation d’ingénieur.

Quels ont été les pays traversés lors de votre périple ? 

Mon premier stop fut Vienne, puis Bucarest en Roumanie, enfin la Turquie, où j’ai fait de nombreuses étapes. J’ai ensuite été en Géorgie où différentes options s’offraient à moi. J’ai choisi de remonter jusqu’à Moscou par le train, pour ensuite prendre le mythique Transsibérien, avant de sortir de Russie par la Mongolie. Plus tard, j’ai rejoint la Chine et Pékin en deux jours de transport depuis Oulan-Bator.

 

Après un passage d’une petite semaine à Pékin, j’ai rejoint Hanoï au Vietnam, où j’ai pu retrouver des amis avec lesquels nous allons voyager au Vietnam, au Cambodge, en Thaïlande et au Laos, pour enfin revenir au Vietnam où je vais pouvoir obtenir mon visa étudiant pour la Chine. Je remonterai ensuite assez simplement à Pékin vers la fin du mois d’août.

Comment se prépare-t-on pour une telle aventure ? L’idée était-elle de cadrer au maximum ce « voyage » ou de laisser une part importante à l’imprévu ?

Je savais seulement par quels pays je souhaitais passer. J’ai réservé à l'avance mes billets jusqu’en Roumanie, et acheté le reste au fur et à mesure. Plus le voyage avançait, plus je me suis fait confiance, plus j'ai laissé de la place à l’improvisation. Cette nouvelle liberté m’a permis de vivre les choses plus spontanément, de dire « oui » plus facilement aux propositions que l’on me faisait au fil des rencontres. J’ai pu également mieux gérer le rythme de mon voyage, en faisant parfois des stops plus longs que prévus pour profiter du moment ou pour reprendre des forces avant de reprendre la route.

Quels moyens de transport avez-vous privilégiés ?

Essentiellement le train et le car. Et l’auto-stop mais uniquement en Mongolie. Ce n’était d'ailleurs pas du tout prévu, mais j’ai rencontré quelqu’un qui m’a proposé de l’accompagner quelques jours dans son voyage en auto-stop. Nos routes se sont séparées et je me suis retrouvé seul à faire de l’auto-stop pour le reste de mon périple en Mongolie. L’avantage là-bas, c’est qu’il y a souvent qu’une seule route qui relie une destination à une autre. Toutes les voitures passent donc par là, ce qui augmente les chances d’être pris en stop. Le plus dur fut de convaincre les  conducteur de ne pas me faire payer le trajet. Culturellement, la gratuité liée à la pratique de l'auto-stop n'existe pas. Il m'est donc arrivé de ne pas monter à bord d'une voiture pour ne pas dénaturer l'expérience.

En parlant d’imprévu, avez-vous des anecdotes sur des moments qui ne se sont pas déroulées comme prévus ?

En Chine, juste avant la frontière vietnamienne, le bus dans lequel je me trouvais s’est arrêté au premier poste de contrôle chinois à 50 km avant la frontière. Ce poste étant très peu fréquenté, et rares sont les touristes à y passer. Les douaniers m'ont longuement interrogé sur mon voyage dans son ensemble (pas seulement en Chine), les établissements que j’avais fréquentés en Chine, combien de temps j’avais passé dans chaque ville, mes billets de transport…

Ils m’ont ensuite demandé de sortir mes affaires du minibus afin de fouiller mes bagages. Et c’est à ce moment-là que le chauffeur en a eu marre de m’attendre et est parti sans moi, me laissant seul au milieu de nulle part.

J’ai dû insister auprès des douaniers pour qu’ils m’aident, sachant que quasiment personne ne parle anglais en Chine. Ils ont fini par arrêter un taxi, qu’ils ont payé  pour moi ! Ce taxi ne pouvait m’avancer que de quelques kilomètres, alors que la frontière vietnamienne, à une heure de route, fermait deux heures plus tard.

J’ai donc à nouveau dû négocier avec ce chauffeur de taxi pour qu’il m’aide, alors qu’il était sur le point de me laisser  au milieu de nulle part. Sans me prévenir, il a appelé une de ses collègues qui m’a transporté jusqu'à la frontière. 

J’ai tiré beaucoup de positif de cette histoire : en allant vers les gens, en leur expliquant calmement ma situation et en leur demandant de l’aide, tout se débloque. Et contrairement à d’autres pays que j’ai pu visiter, les Chinois ne cherchent pas à profiter de ce moment de faiblesse pour t’arnaquer et t’obliger à payer très cher. J’ai trouvé ça très agréable.

Est-ce que traverser la Russie avec un passeport français fut une expérience particulière ?

Ce n’est pas une frontière comme les autres. J’avais lu de nombreux retours d’expérience de voyageurs afin de pouvoir bien m’y préparer. J'étais donc assez serein au moment de franchir la frontière. C’est surtout au sein du pays que les échanges furent parfois plus délicats. Il y a peu de touristes étrangers et les Russes parlent peu anglais. Ce fut donc souvent difficile de communiquer. De plus, certains locaux pouvaient s’avérer hostiles à la vue d’un étranger voyageant seul. Des russes que j'ai croisés m’ont confirmé qu'il arrivait souvent que leurs compatriotes considèrent  les touristes comme moi comme des « ennemis ».

Qu’avez-vous ressenti lors de votre arrivée à Pékin ?

Mon arrivée à Pékin en bus de nuit m’a énormément marqué. J’ai pu commencer à découvrir Pékin et le campus de l’université de Beihang sans me presser, en me disant que j’allais y passer un semestre entier à partir de septembre. En plus, l’accueil à Centrale Pékin a vraiment été exceptionnel.

Quels enseignements en tirez-vous de ce périple, tant sur le plan humain qu’écologique ?

La leçon principale que je retiens de ce voyage concerne le mode de transport. Dans un monde où l’avion, encore récemment considéré comme un privilège, est devenu presque une norme, on a facilement l’impression qu’il faut aller loin et vite pour vraiment découvrir le monde.

Voyager lentement, comme je le fais actuellement, ne permet sans doute pas de voir autant de lieux qu’avec un itinéraire plus classique. Mais la qualité des rencontres et des découvertes est, elle, bien plus profonde.

En empruntant les mêmes trains et bus que les habitants, on partage un peu de leur quotidien et on comprend mieux leur manière de vivre et de se déplacer. Cela permet aussi de faire étape dans des endroits moins touristiques, parfois même inattendus, mais qui réservent souvent de très belles surprises.

En septembre prochain vous ferez votre rentrée à Centrale Pékin. Pourquoi ce choix ?

Je cherchais avant tout un échange culturel, et c’est une destination qui m’intriguait. J’ai évidemment été attentif aux cours proposés, et j’ai apprécié la diversité des possibilités,  avec  en particulier autour des énergies renouvelables, sujet qui m’intéresse beaucoup.

Dernière question : comment envisagez-vous le voyage de retour en France ? Avec les mêmes moyens de transport qu’à l’aller ?

J’ai encore le temps d’y réfléchir car je ne sais pas encore exactement quand je vais rentrer en France. Mais oui, pour le moment, je compte faire le voyage retour en train/bus. Mais cette fois-ci, je ferai certainement le voyage plus rapidement, avec probablement moins de stops. De plus, certaines lignes ferroviaires fermées durant le Covid sont en train de rouvrir, ce qui permettrait de faire le trajet encore plus rapidement.

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Auteur

Paul Bouget (22), élève-ingénieur à Centrale Lyon, termine son année de césure entre sa 2e et sa 3e année au cours de laquelle il a réalisé deux stages de six mois en finance durable à Paris : le premier chez un gérant d’actifs, où il a travaillé sur la définition de politiques ESG et d’objectifs de décarbonation ; le second dans une agence de notation extra-financière, où il a contribué au développement d’outils d’évaluation des plans de transition climatique des entreprises. À l’issue de ces expériences, il a entrepris un voyage bas carbone de quatre mois depuis la France jusqu’en Asie sans prendre l’avion, en privilégiant les transports bas-carbone. Il rejoindra Centrale Pékin à la rentrée 2025.

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