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© Lotfi Dakhli Photographe
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12 novembre 2021

Matthieu Dalstein (ECL E2013) : rencontre avec une tête chercheuse du SuperGrid Institute

Suite à sa dernière année en double diplôme Centrale Lyon – Master NanoScale Engineering en collaboration avec l’université Lyon 1 et l’INSA Lyon, Matthieu Dalstein (ECL E2013) rejoint le SuperGrid Institute au poste d’ingénieur de recherche. Il débute ses travaux sur les Instruments de mesure de courant et tension continus pour les postes électriques avant d’évoluer vers le développement de capteurs de décharges partielles pour suivre le vieillissement des postes ainsi que vers la gestion d’un projet de sensibilisation autour des réseaux électriques. Il nous raconte aujourd’hui son métier de chercheur et ses engagements citoyens en faveur de l’entreprise à mission Time for the Planet.


- Votre parcours - y compris lors de vos stages - témoigne de votre intérêt pour les questions liées à l’énergie. Qu'est-ce qui vous intéresse dans ce vaste sujet au point d'y consacrer le début de votre carrière ?

Effectivement j’ai orienté mes études et le début de ma carrière professionnelle vers des activités en lien avec l’énergie, mais j’ai pendant longtemps gardé la porte ouverte à un autre sujet d’intérêt égal pour moi les nanotechnologies. Mon attrait pour ces deux sujets s’est concrétisé lors de ma première année à Centrale Lyon, auparavant je n’avais pas poussé ma réflexion.

Mon attrait spécifique pour le domaine de l’énergie s’est affermi avec ma prise de conscience progressive des problématiques environnementales. En effet, les thématiques énergétiques sont au cœur du problème auquel nous faisons face. Mon début de carrière au sein du SuperGrid Institute, visant à développer les réseaux à courant continu et la stabilisation du réseau par le stockage afin de faciliter l’intégration des énergies renouvelables, est donc en accord avec mon intérêt, compte-tenu de la nécessité de diversifier le mix énergétique/électrique, bien que l’électricité soit déjà largement décarbonée en France de par le nucléaire.

Vue du hall d'essais très haute tension avec ses générateurs et diviseurs ( © Lotfi Dakhli Photographe) 

 

- Vous êtes depuis 4 ans ingénieur de Recherche au SuperGrid Institute. Quels sont les travaux sur lesquels vous avez travaillé et ceux qui vous occupent aujourd’hui  ?

Mes travaux se déroulent dans le cadre du programme de recherche sur les Équipements haute tension. Le réseau actuel étant majoritairement en tension alternative et les problématiques d’isolation étant très différentes sous tension continue, de nombreux défis doivent encore être relevés et les systèmes doivent être adaptés. Dans ce contexte, mes travaux concernent la qualité de fabrication et le suivi du vieillissement des postes sous tension continue. Pour cela, nous étudions le comportement des décharges partielles, caractéristiques d’un défaut dans le poste électrique. Il s’agit donc de mesurer et reconnaître les défauts pouvant apparaître et permettre de décider de la marche à suivre en termes de maintenance.

Auparavant, j’ai eu l’occasion de travailler sur les problématiques de mesure de tension et courant, également en tension continue. En effet, afin de contrôler le réseau électrique il est nécessaire de connaître précisément et rapidement toute évolution de courant ou de tension sur les lignes. Actuellement, des capteurs existent mais ils sont imposants, générateur de pertes et coûteux. De plus, la tendance est à la numérisation des postes électriques pour améliorer la finesse de leur contrôle, ce qui n’est pas permis par les solutions existantes. Le sujet était donc de développer des systèmes répondant à ces critères.


- Concrètement, quelles sont les différentes phases qui rythment vos recherches ? Est-ce un travail d'équipe, ou au contraire, un travail solitaire ?

Tout d’abord, le besoin est défini et une étude bibliographique des solutions existantes est effectuée pour évaluer leurs limites. Suite à cela, des échanges ont lieu au sein de l’équipe voir entre plusieurs programmes mais également avec l’aide de nos partenaires académiques dont des chercheurs de Centrale Lyon, afin de recueillir des solutions variées. Ces solutions sont ensuite étudiées d’abord superficiellement pour sélectionner la ou les deux plus pertinentes.

Commence alors les recherches à proprement parler, il s’agit d’abord de modélisation analytique puis de simulations. Suite à cela, des dessins techniques des matériels concrets (maquettes) sont effectués avec notre équipe de dessinateurs, qui gèrent également les interactions avec nos fournisseurs jusqu’à l’arrivée de la commande. En parallèle, un protocole de test est défini afin de valider les performances souhaitées.

A la réception du matériel, les tests sont effectués au sein de nos plateformes avec l’aide de nos techniciens et de nos monteurs. Ainsi, les performances effectives de la solution sont évaluées. En fonction du résultat, elle peut suivre plusieurs étapes d’optimisation ou être invalidée et une autre solution est alors envisagée. Les résultats font également l’objet de publication, permettant l’échange avec la communauté scientifique, ou de brevets. Il s’agit donc d’un travail d’équipe plutôt que solitaire.

Vue du hall d'essais haute tension blindé avec transformateur et redresseur ( @Lotfi Photographe) 

 

- Êtes-vous confronté à une forme de routine dans votre travail, ou la recherche vous offre-t-elle toujours de nouvelles choses à expérimenter?

La recherche permet de s’éloigner des sentiers battus et donc de faire face en permanence à de nouvelles situations et contraintes. Cela nécessite d’être force de proposition, ce qui évite la routine au sens de tâche répétitive. Néanmoins, étant une activité de long terme, elle ne permet pas de changer régulièrement de sujet.

Pour y palier, des projets clients plus courts termes sont régulièrement proposés en parallèle des activités de recherche. De plus, l’institut est particulièrement actif sur des sujets collatéraux, notamment la fête de la science durant laquelle les salariés sont invités à participer et qui permet de développer de nouveaux projets notamment de vulgarisation et de sensibilisation.

- Vous souvenez-vous d'une difficulté rencontrée au cours de vos travaux de recherche qui vous aurait particulièrement donné du fil à retordre ? 

Lors d’une mesure effectuée dans un hall d’essais fort courant, les résultats étaient fortement impactés par les perturbations générées par les sources. Il a donc fallu s’adapter et blinder électromagnétiquement au mieux tous les instruments, ainsi qu’effectuer la communication avec nos différents appareils via fibre optique. Après cela, des perturbations étaient toujours visibles et venaient en fait d’une partie de notre système de mesure optique qui avaient des propriétés de polarisation dépendantes du champ, ce qui n’avait pas du tout été identifié au départ. Ce type d’expérience montre qu’en recherche chaque détail a son importance et ne peut être négligé.

- Faire de la recherche, c'est accepter de se tromper, de faire des erreurs pour avancer. N’est-ce pas là une logique inverse de celle appliquée par les écoles d'ingénieur où les erreurs sont associées à de mauvais résultats?

En effet en se lançant dans la recherche, il faut s’attendre à devoir proposer de nouvelles solutions, quitte à passer par une étape d’évaluation approximative, contrairement aux problèmes étudiés en école pour lesquels la méthode est en général connue et doit être appliquée le plus précisément possible. Par ailleurs, il faut régulièrement se remettre en question et savoir réévaluer son estimation première.


- On parle souvent des difficultés rencontrées par le secteur de la recherche en France. Est-ce selon vous uniquement une question de moyens ?
Il existe un paradoxe dans la recherche en France. D’un côté, je pense que sur certains sujets, notre recherche est à la pointe. On peut noter les prix Nobels reçus par des chercheurs français ces dernières années notamment en Physique et en Chimie. De plus, concernant le budget, le nombre de chercheurs et le nombre de dépôts de brevets, la France se situe dans la moyenne de l’OCDE.

Néanmoins, il existe effectivement des faiblesses qui viennent en partie des moyens, autant du point de vue de l’attractivité (contrats courts en particulier pour le début de carrière en recherche publique, salaires souvent inférieurs, …), que du financement public et en particulier son fléchage, de plus en plus orienté vers le privé, parfois au risque de l’attribuer à des développements plutôt qu’à de la recherche, et qui peine à faire augmenter la part des dépenses de R&D des entreprises. Dans la recherche publique, le financement est de moins en moins automatique et les chercheurs doivent donc consacrer de plus en plus de temps à des tâches administratives et de recherche de financement. 

Ces faiblesses viennent donc également d’une frilosité importante de certaines de nos entreprises qui peinent à se lancer sur de nouveaux sujets et à comprendre l’intérêt des profils de chercheurs tels que les docteurs, bien moins valorisés en France qu’à l’étranger. Les mécanismes d’aides publiques (Crédit Impôt Recherche, thèse CIFRE …) sont également très complexes et peinent à être utilisés par les PME et les ETI.

Néanmoins, des progrès sont à noter avec l’amélioration de la coordination grâce notamment à des outils, type Plan d’Investissement d’Avenir, et une structure : l’Agence National pour la Recherche, et avec la mise en place de passerelles public-privé, tels les pôles de compétitivité, les Instituts de Recherche Technologique (IRT) et Institut pour la Transition Energétique (ITE).

- Quelles sont selon vous les qualités nécessaires pour faire un bon chercheur ?

Les qualités d’un bon chercheur sont pour moi la rigueur scientifique, pour ne pas se satisfaire d’approximation, l’honnêteté intellectuelle, pour reconnaître les limites de sa solution en cours de développement, sa communication, une innovation mal communiquée ne verra probablement pas le jour, et sa capacité de vulgarisation. Néanmoins, sur certains de ces aspects, un soutien extérieur peut être efficace pour surmonter d’éventuelles lacunes. 

- Vous êtes également investi dans l'entreprise à mission Time for the Planet ! ? Pourquoi cet engagement et comment se traduit-il en actions ?

Effectivement, j’ai investi, financièrement et temporellement, cette année au sein de l’entreprise à mission Time for the Planet. Les raisons de cet engagement sont multiples. Premièrement, son positionnement, de création d’entreprises attelées à réduire ou à capter les émissions de gaz à effets de serre dans des conditions d’open-source, permet de créer de nouveaux écosystèmes et de collaborer plutôt que d’entrer en concurrence. L’objectif est la réduction des émissions peu importe par qui. Deuxièmement, sa transparence me permet d’avoir confiance, par exemple l’indication directe de non-versement de dividende pour optimiser le Taux de Retour pour la Planète en réinvestissant les bénéfices des sociétés créées dans de nouvelles entités. Troisièmement, son fonctionnement communautaire permet à chacun d’agir par exemple en évaluant les innovations en cours d’étude ou en mettant ses compétences au service de la communauté.

Ce dernier aspect permet d’agir directement mais rien que le fait d’éviter de placer son argent sur des comptes utilisés pour financer des industries polluantes est déjà une action indirecte positive pour le climat.

Auteur

Ingénieur de recherche au SuperGrid Institute

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